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jeudi 2 janvier 2020

Nos réserves de change: comprendre le mécanisme

 
LA VENDEUSE DE PIMENT 

Nous venons de fêter deux anniversaires successifs : le premier qui est faux (Jesus n’est pas né le 25/12 de l’an 0), et le second qui est bien réel (le franc CFA est né le 26/12 1945). Pour nous faciliter la vie, on va se limiter au deuxième et analyser quelques mécanismes intéressants qui le font fonctionner. L’un d’eux est ce que les économistes appellent « la centralisation des devises (ou réserves de change) »

Mais pour faire simple j’appelle ça : « la règle de la vendeuse de piment. »

En gros, chaque année, les 15 pays de la zone franc sont obligés de déposer une partie de leurs recettes d’exportation auprès du Trésor Public français. Afin de mieux comprendre, on va d’abord redéfinir un par un tout ce que je viens de dire : 

1/ la zone franc désigne les 15 pays qui utilisent le franc CFA : Mali, Niger, Burkina, Togo, Bénin, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Sénégal (en Afrique de l’Ouest) ... Tchad, Gabon, Congo, République Centrafricaine, Guinée Équatoriale et Crevettonie (en Afrique Centrale), auxquels s’ajoute l’archipel des Comores. 
A l’Ouest, on parle de l’UEMOA (Union Économique et  Monétaire Ouest Africaine) et au Centre on parle de CEMAC (Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale). Dans l’archipel on parle de l’UC (Union des Comores). 

2/ le Tresor Public est le compte personnel d’un État auprès de sa Banque Centrale. Car ce ne sont pas les gouvernements qui fabriquent l’argent, mais plutôt la Banque Centrale en tant qu’organisme a priori indépendant. En dehors d’elle, personne n’a le droit d’imprimer de la monnaie, sinon c’est illégal et ça s’appelle « faux billets » (Voilà pourquoi ceux qui ont de la fausse monnaie sont poursuivis par la police et jetés en prison). 

Beaucoup d’entre nous possédons un compte en banque. Sachons que l’Etat aussi en possède un.  Sauf que contrairement à nous, son compte ne se trouve pas dans une banque commerciale (telle qu’Afriland First Bank au Cameroun, le Crédit Agricole en France ou encore la Deutsche Bank en Allemagne), mais directement auprès de la Banque Centrale (la BEAC à Ongola ou la BCE en Europe). 

Si l’Etat veut de l’argent, il émet des papiers/ certificats (appelés bons du Trésor) qu’il vend à la Banque Centrale (ou à un autre créancier ... ou aux Chinois) et on lui prête de l’argent (qu’il devra rembourser dans des délais convenus). 

Donc la prochaine fois que tu entends de grosses phrases comme « L’Etat a émis des bons du Trésor » ou « L’Etat a fait un emprunt obligataire », Sache que c’est une seule et même chose qui signifie : « L’Etat était Nguémé et il a ask les Do »

3/ les recettes d’exportation désignent l’argent qu’on a gagné en vendant sa marchandise à d’autres pays. Exporter = vendre à l’extérieur. Donc si le Mali produit du coton et en vend à l’Italie pour 4 milliards de FCFA, on dit que « les exportations maliennes de coton s’élèvent à 4 milliards cette année ». Mais puisque le franc CFA est une monnaie de singe non reconnue à l’international, les Italiens ne vont pas acheter en CFA, mais en euros. Et puisque 4 milliards de CFA font 6 millions d’euros, le Mali recevra 6 millions d’euros de la main des Italiens.

Et on dira :  « Le Mali a reçu 6 millions en devises ». Dans le monde financier, une devise ce n’est pas « Paix-Travail-Patrie ». Une devise désigne simplement la monnaie étrangère. En gros, si je suis en Europe, le dollar et toutes les autres monnaies du monde (sauf l’euro) sont des devises. Mais quand j’arrive aux Etats-Unis, l’euro et toutes les autres monnaies (sauf le dollar) sont des devises.  Du coup, en zone franc, toutes les autres monnaies (sauf le franc CFA) sont des devises. 

LA VENDEUSE DE PIMENT 

Et puis ... Abracadabra, c’est à ce moment-là qu’intervient la France. Elle dit au Mali : « Tu vas me donner 3 millions sur les 6, point à la ligne », et le Mali cède sans discuter. La France n’a rien à voir dans cette histoire ; elle n’a aucune raison d’encaisser de l’argent qu’elle n’a pas contribué à produire, mais elle l’encaisse quand même : c’est le néocolonialisme. 

Alors imaginez une vendeuse au marché qui liquide à 100 FCFA le tas de piment sur sa table. Aujourd’hui, elle a écoulé 10 tas, soit une valeur de 1000 FCFA. Puis soudain arrive un passant qui lui arrache 500 FCFA en lui disant : « Je reviendrai demain, et ce sera la même chose ». C’est exactement ce qui se passe entre la France et ses colonies d’hier - qui de ce fait, le sont toujours aujourd’hui.  

Le fait de se retrouver privés de la moitié de nos devises parce que la France les verse dans son Trésor Public est donc ce qu’on appelle la centralisation des devises ou réserves de change.  Puisque nous sommes des mineurs incapables de gérer leur propre monnaie , la France nous dit que ça lui permet de nous garantir la parité fixe (1 euro = 655 francs CFA), et de maintenir le CFA en mode « monnaie forte » pour notre bien.  C’est un amour inconditionnel. 

Car la France estime que si elle nous laisse gérer la totalité des devises, les immatures que nous sommes allons tout dépenser, et ça ne pourra plus garantir la fameuse parité. Car le franc CFA en circulation dans nos pays sera largement supérieur à la quantité de devises disponibles. Ce qui va entraîner une dévaluation. Par exemple, un milliardaire français vivant à Abidjan et qui décide un jour de partir et de rapatrier sa fortune en France. Il arrive à la banque où il possède 1 milliard de Franc CFA dans son compte. On doit donc lui fournir 1.500 000 euros. C’est alors que la banque lui dit :

« Désolé monsieur, nous sommes à cours de devises. il nous reste seulement 750 000 euros disponibles »

L’homme se retrouve donc avec seulement la moitié de son argent. Ce qui signifie que sa fortune a été divisée par deux. A partir de là on considère donc que 1 euro = environ 1300 FCFA. Puisque la France nous aime éperdument, elle retient donc la moitié de la recette du piment pour être sûre que nous aurons toujours des devises. Quelle chance nous avons !

Entre 1945 et 1972, la situation était pire puisqu’elle conservait les 100% de nos recettes. Après les pleurs du président togolais Eyadema Gnassimgbe (le père de l’autre) auprès du président français Georges Pompidou à New York en 1972, l’arnaque est descendue à 65%. Jusqu’en 2005 où on a atteint les 50%. Aujourd’hui, Emmanuel Macron a promis à Ouattara que la colonisation était finie. Les réserves seront désormais gardées en Afrique. Mais il faut être sous hypnose pour croire que cette France qui a failli exploser en 2019 avec ses mille crises va lâcher son poumon artificiel que nous sommes au moment où elle en a le plus besoin.
 
L’entourloupe consiste simplement à brouiller les pistes en retirant les commandes visibles, pour mieux commander en coulisses, sous des ordres directs passés par téléphone à l’insu du peuple. Rappelez-vous déjà que dans la zone CEMAC, rien ne bouge. Et rappelez-vous surtout que personne ne vous a consulté dans cette histoire d’ECO, et qu’il n’y a eu aucune consultation populaire, aucun référendum pour vous demander quelles sont vos propositions.   

La France a besoin de cet argent pour spéculer sur les marchés financiers et générer des intérêts , et aussi pour jouer les Bons Samaritains avec son « aide au développement », alors que c’est ce même argent, notre argent, qu’elle nous prête , en nous demandant de rembourser ... avec encore des intérêts !

Vendre le piment - un métier difficile 

ENQNGA EKANGA CLAUDE WILFRIED 
( Surtout quand ça commence à chauffer )

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