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samedi 17 juin 2017

Intervention de jean Michel Nintcheu séance plénière de l'Assemblée Nationale du 15 juin 2017

Intervention de jean Michel Nintcheu séance plénière du 15 juin 2017
Monsieur le ministre des finances,
La dette du Cameroun se chiffre, si l'on s'en tient à la Caisse autonome d'amortissement, à 4.503 milliards FCFA composée ainsi qu'il suit: 3480 milliards FCFA pour la dette extérieure et 1023 milliards FCFA pour la dette intérieure. Le 31 décembre dernier, votre collègue en charge de l'économie, du plan et de l'aménagement du territoire a déclaré sur une chaîne de télévision (Canal 2 pour ne pas la citer)  que le Cameroun n'est endetté qu'à hauteur de 25% de son Produit intérieur brut (PIB) -ce qui est vraisemblablement inexact au regard des chiffres de la CAA-  et que son rêve serait de le porter à 85% comme dans tout pays normal.
Le fait que le taux d'endettement par rapport au PIB soit en-dessous de la moyenne sous-régionale ou mondiale ne veut rien dire. Tout dépend de la qualité et de l'opportunité de la dette. La dette que vous contractez pour le pays est mauvaise. Elle est de nature à empêcher notre pays de pouvoir mieux emprunter dans le futur du fait de son mauvais classement par les agences de notation.
Monsieur le ministre,
Vous êtes conscients de la difficulté actuelle du Cameroun à lever des fonds sur les marchés financiers. La crise sévère qui s'abat sur le Cameroun est liée à l'insuffisance des réformes structurelles et aux mauvais choix économiques. On ne bombe pas le torse quand on a échoué. Ayez l'humilité de reconnaître devant la Représentation nationale que le régime auquel vous appartenez à plongé le Cameroun dans un désastre économique. Vous avez plongé le pays dans un abîme sans précédent et vous cherchez à en sortir en vous agrippant le long des parois. C'est la raison pour laquelle dans le projet de loi sous examen vous avez réparti les emprunts en deux catégories à savoir les emprunts concessionnels de 500 milliards FCFA et les emprunts non concessionnels de 1.200 milliards FCFA. En clair, vous demandez à la Représentation nationale de vous délivrer un chèque en blanc pour jeter le pays dans la gueule des prédateurs financiers et porter ainsi la dette du pays à plus de 6.200 milliards FCFA. Encore faudrait-il savoir si vous n'en faites pas partie à travers des sociétés écrans disposés dans les paradis fiscaux. Depuis que nous demandons la mise sur pied d'une commission d'enquête parlementaire qui aura entre autres charges d'inspecter les véritables identités des acquéreurs des parts de l'État, vous freinez des quatre fers.
Monsieur le ministre,
Nous ployons sous le poids de la dette alors que les infrastructures y relatives ne rapportent rien ; Les travaux accusent un retard chroniques et sont scandaleusement surfactures
on observe cette pratique dans tous les les projets dits structurants. Pour faire simple, prenons le cas du stade de Japoma. Ce marché d'un montant de 160 milliards FCFA à été attribué à une entreprise turque qui n'a jamais construit un seul stade dans le monde et qui, selon certaines indiscrétions, sous-traite les travaux aux entreprises locales. Ce montant de 160 milliards FCFA est 60% plus cher au Cameroun que dans les pays de la sous-région qui ont construit des stades de même capacité ...
Pour ce qui concerne les retards dans les projets, dois-je vous rappeler que les travaux du deuxième canal de Suez, parallèle au premier et long de 72 km, ont débuté en 2015 et se sont achevés en 2016, soit un an avant la date prévue en 2017.
Pour ce qui concerne le financement et le retour sur investissement, le deuxième canal de Suez qui a coûté  09 milliards de dollars (...FCFA) a été entièrement financé grâce à l'effort collectif national égyptien. 20% par les entreprises nationales égyptiennes et 80% par les particuliers égyptiens grâce à l'achat des bons d'investissements vendus par l'Etat. Ce deuxième canal de Suez rapportera 13,2 milliards de dollars (...Fcfa) d'ici 2023. Une telle initiative qui requiert l'effort collectif national est quasi impossible dans notre pays en raison du grave déficit de confiance du peuple à l'endroit du système gouvernant.
Monsieur le ministre,
vous êtes sans ignorer  que la crise économique que subit le Cameroun est plus structurelle que conjoncturelle. La corruption et les détournements de deniers publics constituent l'ADN de l’administration publique. Quelques exemples, la liste n’étant pas exhaustive :
1-      les salaires fictifs ont coûté à notre Trésor public plus de 1920 milliards FCFA en 20 ans. La saignée se poursuit. Si on avait attaqué dès le début cette gangrène, le Cameroun aurait pu éviter les affres des différents programmes drastiques imposées par le FMI qui n'ont abouti qu'à une remise de la dette de 1420 milliards à la faveur de l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE. Ces 1420 milliards Fcfa sont de loin inférieur aux 1920 milliards Fcfa détournés dans votre administration publique au seul titre des salaires fictifs en 20 ans.
2-      Le scandale des marchés fictifs de gré à gré: plus de 5.000 milliards évaporés en cinq ans dont 926 milliards FCFA pour le seul compte du budget de fonctionnement de l’Etat de l’exercice 2015 (Rapport de la Chambre des comptes). Que dire des détournements opérés pour le compte des budgets d’investissement depuis plus de cinq ans ?
3-      Le refus obstiné de mettre sur pied la Caisse des dépôts et consignations: entre 6.800 et 9000 milliards de pertes sèches en 9 ans.
La Caisse des dépôts et consignations est régie par la loi N° 2008/003 du 14 avril 2008. Neuf ans après l'adoption de cette loi par l'Assemblée nationale, elle n'a toujours pas été mis sur pied. Cet organisme stratégique aurait pu contribuer au financement de certaines activités notamment les projets étatiques, si l’on s’en tient à l’article 4 de la loi du 14 avril 2008 qui dispose ce qui suit: "La Caisse des dépôts et consignations peut concourir au développement économique du Cameroun, par l'intermédiaire des structures spécialisées, selon les priorités définies par le gouvernement". Plutôt que de mettre sur pied cette Caisse qui aurait pu financer des projets étatiques, vous optez toujours pour la piste désastreuse de l'endettement frénétique à des taux usuraires et sur fond de forts soupçons de rétro-commissions. Dans des pays sérieux, en plus des mandats et des dépôts, cet organisme intervient sur fonds d’épargne dans les secteurs d’activités tels que l'habitat et les logements sociaux pour assurer la transition démographique, les infrastructures et le transport, l’énergie et le numérique, le tourisme et loisirs, etc. Globalement la Caisse des dépôts et consignations devrait remplir dans notre pays des missions d’intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l’Etat et les collectivités territoriales, tout en exerçant des activités concurrentielles.  Le refus obstiné de mettre sur pied cette structure sert les intérêts de la maffia gouvernementale puisque l’argent collecté issu des différents dépôts et consignations enregistrés sur tout le territoire national atterrit manifestement dans les comptes privés des nébuleuses pyramidales. Les experts les plus modestes évaluent ces pertes entre 6.000  et 9000 milliards FCFA.
Monsieur le ministre, la coupe est loin d'être pleine. Il est donc constant que le Cameroun n'aurait jamais connu la crise actuelle si, en plus d'implémenter les choix économiques justes et réalistes axés sur l'agriculture, l'industrialisation, la recherche et l'innovation, le système auquel vous appartenez avait véritablement pourchassé les métastases structurelles  qui ont provoqué au niveau des caisses de l'État des pertes lourdes égales ou supérieures au PIB national. Malheureusement pour le pays, vous choisissez une fois de plus la voie facile de l’endettement qui plombera davantage l’avenir des générations futures. C’est en cela que vous êtes inconséquent.
Je vous remercie
Jean Michel Nintcheu
Député

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